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premier cas

pour torturer mon imagination en déroute — j’aperçois encore la figure distorse de mon patient, contracturée rien que sur un côté à cause de la pince, les yeux chavirés, les narines battantes suffisant à peine à la respiration, et la bouche entr’ouvrant des profondeurs de caverne, et dedans cette langue qui se redressait, s’agitait, dardait…

Puis ce fut un mouvement d’ensemble où nos hans d’halètement alternèrent avec le grincement des mors de la pince sur les os des mâchoires, les craquements brusques des fauteuils, les piétinements, les crissements aigus des talons sur le plancher… Une vraie mêlée…

Tout à coup, comme après une tempête, un calme soudain, suivi tout de suite des crachements sanguinolents de mon pauvre patient…

Nous l’avions… la dent…

Et, après un moment de rinçage de bouche, il me demanda tranquillement « comment c’était ».

— Trente-sous, lui dis-je…

— Ça les vaut, approuva-t-il, sans la moindre idée de rire, et il me les remit.

Les voici, mes amis, et je les conserve toujours depuis, les traînant « pour la chance » à travers toutes les po-