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mes disséqués

la croix du vieux clocher dont les tringles grincent sur leurs arcatures ; la buée moite qui s’échappe de la rivière ; les grandes pierres tombales qui oscillent lourdement sur leurs socles ; tout ce qui est horrible joint à tout ce qui fait peur ; une nuit sinistre d’automne.

C’est en novembre.

En marchant, on craint de froler des spectres et l’on s’imagine à tout instant sentir dans son cou le souffle froid de leurs haleines : en se retournant on les verrait, mais on n’ose.

C’est en novembre et la nuit les morts se promènent en agitant leurs linceuls. C’est leur mois. Les cimetières, étalant leurs pierres blanches comme le linge au lavoir, cachent derrière chacune d’elles un squelette qui fait cliqueter ses vertèbres. On ne veut pas le croire, mais le frisson vous empoigne aux dents et à la peau rien que d’y songer.

N’est-ce pas ? Je connais ce que c’est que le cadavre. J’en ai vu sous tous les aspects : ceux que l’on hisse à l’amphithéatre de dissection au moyen de poulies rauques et de cabestans criards, ceux que l’on sort ensanglantés des voitures d’ambulance. J en ai vu dans leur tombe, dans leur lit, dans leur fosse : à la morgue, sous