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pas encore lui

le grand soleil brûlant, subitement apparu le matin.

De loin, je pouvais les suivre des yeux ; il me semblait les entendre geindre sous les fourchées immenses lancées gaillardement et s’abattant en broussailles sur les lourds chariots.

Au crépuscule, dans le cadre lointain formé par les forêts sombres, tous ces groupes champêtres se dorèrent et s’empourprèrent dans les rayons mourants du soleil et je m’attendais à chaque instant à les voir danser comme à l’opéra, tant le spectacle prenait les apparences d’une décoration théâtrale.

J’ai vu une copie du fameux tableau de Millet ; elle ne rendait sûrement pas la moitié de la majestueuse tranquillité et de la beauté sereine de ce crépuscule auquel il ne manquait que l’Angélus.

Et tard dans la soirée, quand l’écho s’accentuait de plus en plus par la brunante, il m’arrivait encore de très loin le bruit mécanique des faucheuses ou les commandements hue ! dia ! des hardis travailleurs.

N’est-ce pas, ce n’est pas la première fois qu’il m’est donné de refaire le tableau inoublié de mes jeunes années, passées, comme celles de ces garçonnets de tout à l’heure à manier le