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DE L’ELBE AUX BALKANS

— Il vous en faudrait bien davantage encore, fais-je, si vous y alliez en passant par New-York.

— Il n’y a pas de quoi plaisanter, surtout quand on pense qu’à cet inconvénient s’ajoutent les rigueurs de fastidieuses visites douanières.

— Il y en a tout juste deux de plus qu’avant la guerre, puisque seules la Tchécoslovaquie et la Hongrie sont véritablement des États douaniers nouveaux ; les autres ayant diminué d’étendue, comme l’Autriche, ou s’étant au contraire agrandis, comme la Roumanie et la Yougoslavie.

— Et puis, ajoute l’inlassable mécontent, il y a tous ces noms de ville nouveaux qu’il faut apprendre. Consulter un indicateur devient une tâche extrêmement malaisée. Autrefois, on connaissait Pilsen, Laibach, Agrain ou Temesvar ; aujourd’hui, on ne les reconnaît plus quand on lit Plzen, Ljubljana, Zagreb ou Timisoara.

— Pourquoi voudriez-vous que les autochtones ne donnent pas à leurs villes leur dénomination réelle ? Trop longtemps cette Europe centrale, jadis entièrement slave et latine, a été présentée au monde sous un masque germanique ; trop longtemps les Allemands et les Magyars, pour justifier leur hégémonie, ont fait passer les autochtones pour des peuples inférieurs. Ces derniers prennent leur revanche et, il y a dix ans, les Tchèques, empruntant un passage à un drame de Schiller, auraient pu, comme Wallenstein, dire au maire allemand d’Eger, c’est-à-dire de Cheb où nous arrivons : « Les temps sont révolus, monsieur le bourgmestre : les grands seront abaissés et les humbles élevés… ; la double puissance d’une dynastie espagnole touche à sa fin ; un nouvel état de choses se prépare… »

Déjà le train a franchi la frontière tchécoslovaque. Il a contourné la ville où en 1634 Wallenstein fut assassiné. Avant d’entrer en gare,