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DE L’ELBE AUX CARPATHES

Je m’aperçois aussi que le quartier tchécoslovaque, en contact direct avec la région minière et industrielle, a pris en huit ans une extension extraordinaire, alors que le quartier polonais, sur son plateau, paraît se plonger dans un sommeil qui ressemble fort à la mort. Entre les deux, un pont de bois et un pont de pierre jettent leurs traits d’union, mais à chaque extrémité gendarmes et douaniers examinent impitoyablement les papiers des passants. ^

Le plus extraordinaire est que ce conflit, qui faisait des Polonais et des Tchécoslovaques des frères ennemis, n’ait pas laissé de traces profondes Je constate aujourd’hui entre les deux nationalités comme entre les deux pays une harmonie heureusement parfaite.

Cette réconfortante pensée m’accompagne tandis que l’express, ayant dépassé la fraîche et laborieuse vallée de l’Olza, s’essouffle à gravir les Eentes des Beskydes. Des tunnels nous absorent et le col est franchi. Nous voici dévalant vers l’agreste Slovaquie. Par la vallée du Vah, vaste torrent qui ronge son lit caillouteux, je vais descendre vers Zilina et gagner Bratislava.

Lorsqu’en 1805 Napoléon y signa un traité fameux, c’était Presbourg. Lorsque j’y vins pour la première fois, il y a vingt-six ans, c’était Pozsony. Ayant retrouvé au fond des archives poussiéreuses où il dormait depuis des siècles son vieux nom slave, la ville s’appelle aujourd’hui Bratislava. Mais, au fond, est-ce bien la même ville, celle que j’ai connue il y a un quart de siècle et celle que, depuis 1919, j’ai visitée par trois fois et qui, a chaque fois, m’a paru différente ?