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DE L’ELBE AUX BALKANS

Il est onze heures. Me voici installé dans un compartiment où je suis seul. Les voyageurs sont peu nombreux dans ce wagon roumain long et confortable. J’ai pour voisins, dans le compartiment d’à côté, deux Tchécoslovaques. Je fais leur connaissance dans le couloir. Ce sont des commerçants. Ils se rendent en Roumanie où leurs affaires les appellent souvent. Ils me donnent obligeamment des renseignements. Une chose, naturellement, les intéresse : c’est que la Roumanie est un pays riche avec lequel on peut faire des affaires. Mais, si le commerce y trouve à s’occuper, il rencontre bien des difficultés.

— Lorsque vous avez acheté quelque chose là-bas, me dit l’un, et que vous l’avez payé, vous n’avez rempli que la partie la plus simple, et, peut-être, la moins coûteuse ue^ votre tâche. Quand il faut obtenir le droit d’expédier à l’étranger la marchandise achetée, quand il faut se procurer les wagons nécessaires au transport, vous ne pouvez vous imaginer les démarches qu’il faut faire, les papiers timbrés qu’il faut remplir et les pattes qu’il faut graisser. Du plus petit au plus grand, tous ceux entre les mains desquels vous devez passer entendent que vous y laissiez quelque chose. On assure que le nouveau gouvernement va changer tout cela. Il fera bien.

Tiens, c’est vrai. Mon loquace interlocuteur me rappelle fort à propos que je vais voir la Roumanie à un tournant de son histoire, comme me disait récemment un ami roumain. Les libéraux ont quitté le pouvoir et le Conseil de Régence a fait appel, pour diriger les affaires publiques, au parti national paysan. M. Bratiano passe la main à M. Maniu, et c’est presque une révolution puisque, pour la première fois depuis la constitution de la Grande Roumanie, le pays sera gouverné non plus par des hommes du vieux Royaume,