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de baie, et il ajouta que si sa demande ne lui était pas accordée il ferait mettre Niro aux fers.

La Reine répondit que Niro devait subir un jugement pour cette affaire et qu’il ne serait pas puni avant d’être jugé et reconnu coupable. Que c’était un chef et que les chefs devaient être jugés par leurs pairs, surtout alors qu’il s’agissait de faits graves comme ceux dont on l’accusait. Le jugement devait avoir lieu le lendemain.

M. Caillet ne voulut point attendre et il ordonna à trois gardiens de baie de s’emparer de Niro, mais ils refusèrent de lui obéir en disant qu’ils n’avaient point reçu les ordres de leur Reine à ce sujet. Ce refus l’exaspéra, il fit mettre ces hommes aux fers et menaça Maria-Eutokia de lui enlever son pouvoir si elle ne cédait pas. Le lendemain, vers onze heures du matin, des soldats et des matelots armés parcouraient l’île pour saisir Niro qui était allé chez la Reine se remettre entre ses mains pour être jugé. Les soldats qui le cherchaient le saisirent en ce lieu, et l’un d’eux frappa même avec le plat de son sabre le bras de la Reine parce qu’elle voulait s’opposer à la violation de son domicile.

Niro fut conduit à bord de la Dorade et mis aux fers. Là, dit-il, « il reçut du biscuit pour manger, mais on lui refusa à boire, et ce ne fut que le troisième jour, alors seulement qu’il était déjà malade par suite du manque d’eau, que le chirurgien du navire lui fit donner à boire. »

Lorsque la Reine eut fait instruire l’affaire d’Atirikigaro et qu’elle sut comment les choses s’étaient passées, elle écrivit à M. Caillet la lettre suivante :

« Mangarèva, le 29 décembre 1865.
Monsieur,

Vous avez voulu entrer dans une maison où étaient une femme mariée et des jeunes filles. La femme mariée vous a dit de ne pas entrer. Le maître de la maison vous a dit aussi de ne pas entrer, mais vous avez voulu entrer bon gré mal gré. Vous avez eu tort, parce que tout homme est maître chez lui. Un gardien de baie (Niro), père d’une des jeunes filles, s’est trouvé là pour défendre sa fille. C’était son droit. Pourquoi avez-vous insisté ? Je ne puis ni le casser, ni permettre qu’il soit mis aux fers.

Je vous salue.

La régente des îles Mangarèva,
MARIA-EUTOKIA. »