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d’Atirikigaro. Là, sans doute, il rencontra des choses qui l’intéressèrent puisqu’il y retourna le 19 du même mois, et en ce jour il lui advint une histoire, que nous allons lui laisser raconter à sa guise, puis nous donnerons le récit des Mangarèviens.

C’est M. Caillet qui parle :

« Le 19 décembre 1865, je tombai en plein dans un guet-à-pens, tendu, m’a-t-on dit, par ordre sous nos pas. J’étais descendu à terre vers trois heures et demie du soir, avec l’intention de me rendre à un village situé de l’autre côté de la montagne, où se trouvaient campés des sujets du protectorat tahitien que le R. P. Laval avait fait venir des autres îles de l’archipel Tuamotu et qui désiraient vivement retourner chez eux. Ne voulant pas être épié dans ma course, je cherchai, une pente douce en dehors du sentier pour atteindre les crêtes qu’il me fallait dépasser. Le temps étouffant et le soleil qui dardait avec force sur la montagne, me firent plusieurs fois reculer devant cette pénible ascension. Après quelques minutes d’hésitation, je pris le parti de chercher à contourner la pointe Nord de l’île. Je comptais profiler du clair de lune pour revenir par la montagne.

« Il y avait environ une heure que j’étais en marche lorsque j’arrivai à un village que j’avais visité quelques jours avant en baleinière. J’étais très-fatigué ; pour me reposer quelques moments, j’entrai dans une maison dont je croyais connaître le propriétaire et où j’avais été bien accueilli.

« Le malheur qui m’a frappé[1] m’empêcha de saisir à temps la scène qu’on avait préparé pour me recevoir. Seulement j’aperçus un agent de police qui me menaçait du poing et d’autres affidés qui criaient et gesticulaient.

« Peu de temps après, mes yeux s’accoutumant à l’obscurité, je distinguai dans une chambre deux ou trois jeunes filles gardées à vue, qui riaient de mon étonnement. À la porte de cette chambre se tenait une véritable harpie, jouant son rôle à merveille.

Indigné de cette réception j’en demandai les motifs aux personnes qui m’entouraient, mais leurs réponses vagues étaient loin de me satisfaire. Ils feignaient surtout de ne pas

  1. M. Caillet a eu les paupières brûlées dans un incendie, en sauvant un enfant des flammes. Sa vue en a souffert.