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impressionné et même troublé. L’interrogatoire commença. Il durait depuis assez longtemps déjà, lorsque Maria-Eutokia et Élias Téoa remarquèrent que l’émotion d’Urbain augmentait au point d’être douloureuse ; ils eurent pitié de lui, et lui adressant la parole, ils l’engagèrent à se rassurer, à parler sans crainte et à dire les faits tels qu’ils étaient et qu’il les connaissait.

« Reine, répondit le malheureux, et toi Togoïti (prince), ces deux chefs étrangers me font des questions que je ne comprends pas et qui n’ont pas trait à ma faute. Peut-être, plus tard, serai-je interrogé sur mon vol et sur la complicité de Dupuy ! Mais ces deux chefs me font peur. »

M. Duprat avait, en effet, le visage sévère ; il frappait fréquemment de sa main les papiers qui étaient devant lui et accompagnait ses gestes de quelques sèches monosyllabes.

M. Landes l’imitait en tout.

Dès que l’interrogatoire d’Urbain fut terminé, on le reconduisit en prison, où les matelots du Railleur le gardèrent au secret.

Le procès-verbal de cet interrogatoire fut présenté à Élias Téoa et à deux chefs qui le signèrent sans en connaître le contenu. Il fut aussi offert à la Reine, mais elle refusa d’y apposer sa signature en disant qu’elle ne savait pas ce qu’il contenait, et en demandant pourquoi on ne l’avait pas traduit et fait connaître à Urbain et aux assistants. Ni l’un ni l’autre des Enquêteurs ne répondit à cette observation.

La seconde personne interrogée fut M. le vicomte Florit de la Tour. Ce vieillard prêta serment ; alors M. Landes se crut obligé de faire un petit discours aux assistants pour leur expliquer la gravité du serment prêté devant un magistrat, et celui qu’il allait interroger et qui était aimé et respecté de tous les assistants ajouta : « Le serment est surtout grave parce qu’il a Dieu pour témoin et qu’il nous engage envers lui. Devant Dieu le serment du juge et celui du témoin sont les mêmes. Le juge promet de chercher bien réellement la vérité et toute la vérité, et le témoin jure de bien la dire. »

Après ce petit incident, l’interrogatoire commença, mais il fut bref. Appelé à le signer, M. de la Tour fit observer qu’il aurait bien des choses à dire à MM. les Enquêteurs, s’ils voulaient acquérir une exacte connaissance des faits, et que puisqu’on lui avait fait jurer de dire toute la vérité, on devrait bien le mettre à même de le faire.