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Art. 2. — Tout hui-raatira (citoyen) devra établir sa case sur les terrains vagues compris dans un rayon de mille mètres autour de la maison du chef (fare hau).

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Art. 5. — Les cases qui sont ou seront situées en dehors des limites seront, après le premier avril prochain, frappées d’une imposition de deux francs cinquante centimes par mois.

Art. 6. — Tout indigène qui par opposition ou mépris de la loi ne paiera pas cet impôt sera condamné à une amende de 50 francs pour la caisse des districts et à un emprisonnement de quinze jours à deux mois.

Art. 7 — Un an après la promulgation de la présente loi, tout indigène qui n’aura pas une case terminée conforme au modèle indiqué dans la circulaire mentionnée ci-dessus sera jugé et condamné à une amende de cent francs. Cette amende sera de deux cents francs si ladite case n’est pas terminée six mois après l’expiration du premier délai d’un an.

Cette loi fut votée le 23 décembre 1861 par une assemblée de 61 députés dont 42 furent pour l’adoption et 19 furent contre. Dans cette assemblée il y avait 42 employés salariés du gouvernement. Quelques députés qui comptaient parmi les 19 opposants firent des observations, mais l’orateur du gouvernement eut réponse à tout.

Taatauuru, député. — Si un homme marié ne possède pas de terrain dans le rayon de mille mètres autour de la chefferie, où mettra-t-il sa maison ?

Roura, rapporteur. — Sur une terre non habitée ou sur une terre de chefferie comprise dans ce rayon.

Arato, député. — Si je possède des terres dans l’étendue de mille mètres, elles seront donc habitées par d’autres que par moi propriétaire ?

Pohueta, député. — C’est cela, certainement ! Mais vous n’en serez pas moins le propriétaire.

L’on croit rêver en lisant cette loi qui ordonne aux gens d’aller habiter loin de leurs propriétés, parfois à une ou deux lieues de distance de leurs terres et de tous leurs moyens d’existence ; qui oblige un chef de famille à se bâtir une maison alors qu’il en a déjà une ; à la mettre sur le terrain d’autrui et à violer par là et malgré lui, les droits légitimes du propriétaire du sol, lequel ne peut que courber la tête et laisser faire.