Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/58

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écrivains de France, pour en composer votre corps. Il entreprit de faire en sorte que la France fournît tout ensemble et la matière et la forme des plus excellents discours ; qu'elle fût en même temps docte et conquérante, qu'elle ajoutât l'empire des lettres à l'avantage glorieux qu'elle avait toujours conservé de commander par les armes. Et certainement, Messieurs, ces deux choses se fortifient et se soutiennent mutuellement. Comme les actions héroïques animent ceux qui écrivent, ceux-ci réciproquement vont remuer, par le désir de la gloire, ce qu'il y a de plus vif dans les grands courages, qui ne sont jamais plus capables de ces généreux efforts, par lesquels l'homme est élevé au-dessus de ses propres forces, que lorsqu'ils sont touchés de cette belle espérance, de laisser à leurs descendants, à leur maison, à l'État, des exemples toujours vivants de leur vertu, et des monuments éternels de leurs mémorables entreprises. Et quelles mains peuvent dresser ces monuments éternels, si ce n'est ces savantes mains qui impriment à leurs ouvrages ce caractère de perfection que le temps et la postérité respectent ? C'est le plus grand effet de l'éloquence.

Mais, Messieurs, l'éloquence est morte, toutes ses couleurs s'effacent, toutes ses grâces s'évanouissent, si l'on ne s'applique avec soin à fixer en quelque sorte les langues, et à les rendre durables. Car comment peut-on confier des actions immortelles à des langues toujours incertaines et