Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/520

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Messieurs, a fait voir combien les progrès de l’esprit humain tiennent aux progrès des langues. En effet, lors de la renaissance des lettres, quels obstacles nos écrivains ne rencontroient-ils pas dans l’imperfection du langage ? Une foule de mots, dont l’origine avoit disparu, ou dont l’acception étoit incertaine et dénaturée ; une syntaxe sans principes, sans analogie ; une prosodie vague, indéterminée ; la prononciation même abandonnée au hasard ou au caprice : tout nuisoit également et à l’harmonie du discours et à la précision des idées ; tout faisoit sentir la nécessité de donner à notre idiome une forme fixe et de le soumettre à des procédés réguliers : ce fut aussi vers ce but que se dirigèrent principalement les efforts des gens de lettres.

Il étoit réservé à Pascal et à Racine de deviner le secret de notre langue ; il étoit réservé à l’Académie françoise d’en fixer le caractère. Un établissement de ce genre n’auroit pu se former ni dans Athènes, ni dans Rome. Il n’y avoit point de puissance sur la terre à laquelle des peuples libres eussent consenti à soumettre leur langage. Dans notre Gouvernement même, ce n’étoit point à l’autorité, mais au goût et à la raison qu’il appartenoit de donner des lois à l’instrument de nos idées. Il falloit épurer, ordonner, fixer le système entier de la langue ; distinguer, dans l’adoption des termes, le caprice d’avec l’usage ; se régler sur l’analogie, sur l’oreille et sur le goût, pour