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repousser les inférieures. Ainsi, l’on y voit le peuple toujours prêt à imiter et le langage et les mœurs des grands, pendant que ceux-ci, par un mouvement contraire, s’efforcent toujours de se distinguer, affectent de rejeter de leur langage les expressions et les tournures devenues trop familières au peuple.

Entretenue dans une fluctuation continuelle par cette tendance et cette réaction des esprits, la langue finiroit par s’appauvrir et se dessécher en se polissant, si les gens de lettres et les bons ouvrages ne concouroient à la fixer et à l’enrichir.

La langue grecque, formée par le peuple et pour le peuple, devoit être l’organe de l’imagination, des passions ; notre langue, formée par les gens du monde et les gens de lettres, a dû être l’organe de l’esprit et de la raison.

Qu’étoient les Athéniens ? Un peuple d’auditeurs et d’enthousiastes. Que sommes-nous aujourd’hui ? Un peuple de lecteurs tranquilles et réfléchis. Voilà le véritable principe de la distance qu’il y a du caractère de la langue grecque, au caractère de la nôtre.

Transportons-nous à Athènes ; nous y verrons le poète, l’orateur, l’historien, le philosophe même, réciter leurs compositions à des hommes assemblés, à des hommes dont les sens étoient sans cesse exercés et toujours insatiables ; à des hommes qui pardonnoient tout à celui qui savoit