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On ne dira plus simplement, comme on l’a dit jusqu’ici, que chaque langue a ses beautés différentes, et que le génie particulier de la nôtre est l’ordre, la netteté et la justesse. Vous le savez mieux que moi, Messieurs, les langues n’ont point de génie par elles-mêmes ; ce sont les écrivains célèbres qui, par l’usage différent qu’ils en font, établissent ces préventions confuses à qui, dans la suite, on laisse usurper le nom de principes.

Pourquoi notre langue n’admet-elle plus ces métaphores audacieuses qui défigurent les objets en voulant les agrandir ? Pourquoi retranche-t-elle ces longues comparaisons chargées de circonstances inutiles, qui ne laissent pas discerner les véritables rapports des choses ? Pourquoi veut-elle que dans un discours, les pensées naissant les unes des autres, ne forment toutes ensemble qu’un tissu de conséquences ? Que par des transitions délicates on fasse passer l’esprit sans effort et sans précipitation d’un sujet à un autre ? Manquons-nous donc d’expressions pour un style enflé et licencieux ? Nous coûteroit-il tant d’arranger nos pensées selon que le hasard nous les présente, sans égard à ces rapports justes, ni à cet ordre naturel que le raisonnement exige ? Non, sans doute, et nous n’avions que trop de pente à jouir de ces libertés : mais de sages écrivains se sont garantis de la contagion de l’usage ; ils ont remonté aux sources du plaisir et de la persuasion, et ils nous ont accoutumés enfin à une raison