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sujets aux misères humaines, souvent nous nous sommes comparés à eux, souvent nous avons cru les égaler : quelquefois nous nous sommes flattés de les surpasser. La mort qui les enlève nous tire en même-temps un voile de devant les yeux : alors ils se montrent tels qu’ils sont, ils nous étonnent, ils nous éblouissent. L’envie qui répandoit un nuage sur leurs vertus, et nous les cachoit, se dissipe et fait place à l’admiration.

Souffrez-donc que je vous dise, que c’est mériter de succéder au fameux Racine, que de l’avoir su louer aussi éloquemment que vous avez fait. Vous l’avez dépeint avec de si vives et de si belles couleurs, que même en vous admirant, même en nous applaudissant de vous avoir acquis, nous avons senti un regret plus violent de l’avoir perdu. Et en même temps ce nom célèbre auprès duquel vous avez placé le sien, a renouvelé dans nos cœurs une plaie que rien ne peut plus fermer.

Car enfin tant que Racine a vécu, tant que nous avons vu parmi nous, le compagnon, le rival, le successeur de ce génie divin, qui né pour la gloire de sa nation, a disputé l’empire du théâtre aux Grecs et aux Romains, et l’a remporté sur tous les autres peuples de la terre, nous avons pensé le voir encore lui-même ; celui que nous possédions nous consoloit de celui que nous n’avions plus ; et ce n’est qu’en perdant Racine que nous croyons les perdre tous deux, et