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du Voyage de Siam.

pauvres Mandarins, qui font grand cas de la lune, ſont fortis de leur tanière, d’où par parentheſe ils ne ſortent jamais, & font venus voir l’état pitoyable où elle eſtoit : ils n’en ont pu ſoutenir la veuë, & ſe ſont allé recoucher.

17. Juin.

ON auroit bien mieux obſervé l’éclipſe ſur la terre avec les grandes lunettes : il a fallu ſe contenter des petites, qui encore ont bien de la peine à tenir contre le roulis. Cette vilaine éclipſe nous a amené le calme.

Il y a préſentement une groſſe affaire ſur notre vaiſſeau. On ne donne plus de vin aux matelots, & depuis le Cap on leur donnoit de l’eau de vie. Que faiſoient-ils ? un ſeul beuvoit tout d’un coup les rations de tous ceux de ſon plat ; & ainſi l’un aprés l’autre, à coup ſeur, eſtoit yvre, & avoit le feu au corps. On y a voulu mettre ordre de peur qu’ils ne tombaſſent malades, & mêler leur eau de vie avec leur eau : ils n’en veulent rien faire, & depuis deux jours ils n’ont point bu. Cela pourroit bien finir par quelques coups de corde.

18. Juin.

LE vent eſt revenu, toujours notre victorieux Nordeſt qui nous a fait doubler le Cap de Finiſtere & celui de bonne Eſpérance. Il ſe tour-