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beſoin d’interprete. Il eſt fort bien inſtruit des intérêts des Princes : bien m’a valu d’avoir eſté votre diſciple. La converſation n’a point tombé ; elle a preſque toujours roulé ſur le Roi, donc il connoît toutes les grandes qualitez, comme s’il avoit paſſé ſa vie à Verſailles. Votre Roi, m’a-t-il dit, parle comme la Sainte Ecriture : il dit, & tout eſt fait. Vous me dites qu’il eſt tous les jours quatre ou cinq heures au Conſeil ; & moi je croi qu’il y eſt toujours, à voir de quel air il mene ſes voiſins. Nous avons pris deux ou trois fois du thé. M. de Saint Martin eſt entré. C’eſt un François, Major général commandant en chef toutes les troupes de la Compagnie dans les Indes. Il vient de Hollande, & retourne à Batavie. Ces deux hommes ſont dans une fort grande union. Il y a plus de trente ans qu’eſtant jeunes, gueux, inutiles & braves, ils s’embarquerent le mouſquet ſur l’épaule ſur un vaiſſeau qui alloit aux Indes. Depuis ce temps-là ils ſe ſont élevez par les formes juſqu’aux premiers emplois de la République. Ils avoient un ami qui avoit commencé ſa fortune d’auſſi loin qu’eux, qui mourut il y a deux ans Gouverneur du Cap de bone Eſpérance. Ils lui vont faire élever un tombeau magnifique, avec une inſcription qui expliquera la fortune des trois amis.

On vient de rapporter de deux lieuës d’ici deux hommes bleſſez, & un tigre mort. Ces deux hom-