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du Voyage de Siam.

croyions n’avoir plus à le craindre, aprés avoir paſſé la ligne & les Tropiques. Les pilotes conviennent qu’il n’y a rien de ſeur dans la navigation : Et par où l’on périt, un autre s’eſt ſauvé. La lune a deux jours : il faut eſpérer qu’en croiſſant, elle nous amènera du vent. Elle a beaucoup d’autorité ſur la mer. Vous ſçavez que ſur terre nous la reſpectons peu. Ici on eſt inſtruit de tout ce qu’elle fait, & nous avons preſque autant beſoin d’elle que de ſon frere.

5. Mai.

LA hauteur n’a rien valu : il y avoit des brouillards ſur l’horiſon. Enfin le vent d’Oüeſt eſt venu tel qu’il nous le faut pour aller en quinze jours au Cap ; & il y a apparence que cette fois-ci c’eſt tout de bon. Il eſt venu peu à peu par le Nord. Nous faiſons deux lieuës par heure, & nous ne ſommes point tourmentez. Quand le vaiſſeau va vîte, il n’a pas le temps de ſe balancer.

Préſentement que tout le monde eſt fait à la mer, & que l’éloignement du ſoleil nous donne les vents & la fraîcheur, chacun s’applique à ſon affaire. Les Jéſuites paſſent leur vie à tirer des lignes, & à faire des calculs : c’eſt leur affaire. Ils ſçavent que c’eſt par les Mathématiques qu’on brille à la Chine, & que ſans les Mathématiques la Religion n’y auroit jamais fait aucun progrès.

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