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du Voyage de Siam.

mes font aſſez ordinaires ſous les Tropiques, & nous ne ſommes pas loin du Capricorne. On a trouvé à midi 2.0. degrez 49. minutes. On a trouvé auſſi à fonds de cale deux bariques de vin, où il n’y avoit plus rien. Sujet de crainte pour les autres. Il faudra vivre de ménage. On a retranché le déjeuné : nous ne laillions pas d’y boire cinq ou ſix groſſes bouteilles de vin ; & avec nos habits noirs, cela s’avaloit en un moment. Nous dînerons à dix heures, & ſouperons à cinq. Deux grands repas de bonne viande fraîche bien meilleure que ſur terre. Les moutons ſont bien plus gras ; & les poules dans leurs petites cages, deviennent des cailles. Avec cela ſerons-nous bien à plaindre ? Et de plus tous les jours de la crème, & des œufs frais tant qu’on veut. Il me ſemble que je vous parle ſouvent de mangeaille. Excuſez de pauvres gens, qui ſe voyent en calme à cinq cens lieuës de toute terre, avec quelques proviſions à la vérité : mais enfin ce calme pourroit durer long-temps, & ſi long-temps que les proviſions manqueroient. Et que faire ? Un vaiſſeau le meilleur du monde, avec les plus habiles pilotes, ne fait que virer quand il n’a point de vent. Il n’eſt pas poſſible que de pareilles idées ne ſe préſentent à l’imagination. On lit dans des relations, qu’en pareil cas on mange les rats : là-deſſus on parle de farine, de vin, de biſcuit, de lard ; & moi