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du Voyage de Siam.

15. Février.

IL n’y a plus à rire : le vent eſt terrible, & la mer épouvantable. Il a fallu vîte amener toutes les voiles, les mâts des perroquets & la grande vergue : nous ſommes réduits à la miſene qui nous mene en route. Mais il vient une groſſe lame qui nous prend par le travers, & nous fait horriblement rouler : ſouvent l’eau entre par le plat-bord : les moutons ſe caſſent les jambes, les cochons ſe crevent, un coup de mer noye trente poules, tous nos coffres ſe batent les uns contre les autres : enfin c’eſt un grand deſordre, & nous aurions peur ſi nous n’avions pas fait ſix mille lieuës ſur la mer. Nos Siamois ſont aſſez plaiſans : un Mandarin vient de me demander ſi les François avoient peur. Je lui ai dit que non : qu’à la vérité le temps eſtoit mauvais, mais que notre vaiſſeau eſtoit bon. Puisque cela eſt, m’a-t-il dit, je n’ai donc pas peur. C’eſt le même qui diſoit à Siam, J’aurai grand’peur ſi je vais en France, mais je veux pourtant y aller. Nous avons perdu cette nuit la frégate. Elle avoit un feu & nous auſſi : mais le temps eſtoit ſi gros, qu’apparemment elle n’a pu nous ſuivre ; & en ces occaſions ſauve qui peut. Nous eſpérons la retrouver au Cap.

16. Février.

NOus fiſmes hier ſoixante lieuës avec la ſeule