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du Voyage de Siam.

pas grand’choſe quand je ne vous ai pas à mon côté, je trouve ici une demi-douzaine de Theophiles. J’explique du Portugais avec le Pere Viſdelou ; M. Baſſet m’apprend ce que c’eſt que les Ordres ſacrez ; je regarde dans la lune avec le Pere de Fontenei ; je parle du pilotage avec notre Enſeigne Chammoreau, qui en ſçait beaucoup : & tout cela en paſſant, fans empreſſement, en ſe promenant. Et quand je me veux faire bien aiſe, je fais venir M. Manuel l’un de nos Miſſionnaires, qui a la voix fort belle, & qui ſçait la muſique comme Lully. Vous ſçavez ſi j’aime la mufique ; & cela ne s’oppoſe point au ſéminaire. Qu’est-ce que le Paradis, qu’une muſique éternelle ? Nous chantons des airs de dévotion, qui ſont tout auſſi beaux que Roland. Aprés cela, plaignez-vous encore ces pauvres gens qui vont ſi loin ? Ne nous plaignez pas : nous ne ſongeons point à vous, ne ſongez point à nous. Contens de nous-mêmes, & tranquilles au milieu des eaux, nous ne contons pour rien le reſte de l’univers ; & dans notre petite république nous avons de quoi faire notre bonheur. J’oublie la principale de mes occupations. J’entretiens fouvent M. V. Il m’inſtruit peu-à-peu de tout ce qu’il faut que je ſçache ; & j’eſpere en arrivant à Siam connoître groſſierement les perſonnages avec qui nous aurons à traiter. Il y aura peut-eſtre quelque coup de pinceau à donner aux por-

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