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du Voyage de Siam.

que ſon fils, l’enfant gâté, ne ſe ſentiſt échauffé. Que diroit-elle en le voyant vivre de merluche, de haran, d’anchois, & ſur le tout un petit trait d’eau de vie ? Nous allons nous rafraîchir en mangeant du poiſſon : nous venons de voir des Dorades. Ce font les plus beaux animaux du monde, de toutes couleurs, gros comme deux bons brochets : leurs écailles dans l’obſcurité jettent du feu, à ce qu’on dit, & à ce qu’on croit voir ; & ce ſoir la mer en eſtoit couverte. Si elles s’amuſent à nous ſuivre, nos filets nous en feront raiſon.

22. Mars.

VOici la premiere fois que nous avons veu le calme. La mer eſtoit cette nuit comme un étang bien uni, pas une lame. M’entendez-vous ? Si vous ne m’entendez pas, cherchez. Le vent eſt un peu revenu avec le jour, mais c’eſt bien peu. Voici les approches de la ligne dont on nous a tant menacé. Nous ne nous plaindrons pas ſi-tôt ; & juſques ici nous avons fait le temps. Il faut s’attendre à languir pendant quatre ou cinq cens lieuës ; & pourveu que le vaiſſeau gouverne toujours, nous ferons au moins un degré par jour. Suivant ce calcul, dans douze jours à la ligne ; & de la ligne un bon mois pour aller au Cap de bonne Eſpérance. On ne ſçauroit y eſtre moins de huit jours, pour faire de l’eau

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