Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
279
du Voyage de Siam.

avancer vers un poteau auquel on vouloit l’attacher : il a bien fallu marcher ; quoi-que grand & terrible, il n’eſtoit pas le plus fort. On l’a attaché au poteau avec des cordes paſſées dans des poulies, en ſorte que quand il fait eſſort, les cordes obéiſſent, il tourne autour du poteau, & ſes efforts viennent à rien. Sans cette invention il abbatroit le poteau & la maiſon, & ſe tueroit. Il eſt auſſi ſanglé par-deſſous le ventre, de peur qu’il ne ſe couche ; parce que s’il eſtoit couché, il ne voudroit plus ſe relever, le chagrin le prendroit, & il mourroit. Il ſera quinze jours ainſi traité. Quand on le mènera à l’eau, les deux éléphans de guerre ſeront à ſes cotez pour le régenter ; & aprés cela il régentera les autres. On lui donna hier vingt-quatre hommes pour le ſervir, huit par quatre mois. M. Conſtance nous a dit une choſe bien difficile à croire, qu’il y avoit dans le royaume de Siam vingt mille éléphans privez, dont chacun a pluſieurs hommes à ſon ſervice ſelon ſa grandeur. Le Roi en a toujours mille à ſa ſuite. Nous avons veu la chaſſe fort commodément. M. l’Ambaſſadeur y eſt allé ſur un cheval de Perſe fort beau, dont la ſelle eſtoit d’or maſſif. Toute ſa ſuite avoit de beaux chevaux ; mais comme ils ont preſque tous la bouche forte, & que nos Gentilshommes ſont bons matelots & mauvais écuiers, quelques-uns ont penſé eſtre démâtez, & ils alloient ſouvent à la bouline.