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Journal

ficile que nous en manquions. Fort bonne compagnie : on vit avec une liberté charmante. Notre Ambaſſadeur prie Dieu les trois quarts du jour ; & le reſte il veut qu’on ſe réjoûïſſe. Les trompettes animent les repas. Un jour on danſe aux chanſons ; le lendemain au violon, car nous n’en avons qu’un. Quelquefois on fait des ſauts périlleux. On parie à qui ſera plûtôt au haut du perroquet du grand hunier. Les ſoldats font l’exercice. Les Jéſuites & les Miſſionnaires ou regardent les aſtres, ou font la méditation. Il y en a qui jouent aux échets, d’autres au jeu des Rois. Hé-bien nous ennuyons-nous ? & n’eſt-ce pas prendre ſon parti de bonne grace ?

21. Mars.

A 13. degrez 8. minutes. Il n’y a plus tant de brouïllards ; & tant pis : brouïllard ameine le vent. Nous avons cinq malades, tous de fluxion ſur la poitrine ; ils ſont en trois jours à la mort. Les nuits ſont beaucoup plus chaudes que les jours. On ſent je ne ſçai quoi de ſi fade : il ne nous faut pas donner de confitures. De bon vinaigre, de bonne eau de vie : voilà ce qu’il nous faut, & point de raiſonnement ; l’expérience nous apprend que l’eau de vie rafraîchit. Cela m’a fait ſonger plus d’une fois à ma mere, qui avoit banni de ſa maiſon clou, muſcade, girofle, & à peine laiſſoit-elle paſſer le ſel, de peur