Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
du Voyage de Siam.

chir. Le Roi eſtoit à un balcon, & toute la Cour eſtoit pleine de Gardes armez, le ventre à terre dans un profond ſilence. Nos François même qui y eſtoient tous, ſe font fort bien contenus & n’ont point fait de bruit. Nous avons veu enſuite par dehors pluſieurs petits palais ſéparez. Dans l’un ſont les Lettres de tous les Rois du monde, qui ont envoyé ici des Ambaſſadeurs. Dans l’autre, ſont toutes les curioſitez particulieres du Roi. Ici eſt le tréſor d’un tel Roi, & là le tréſor d’un autre, & le Roi qui en mourant a laiſſé un plus grand tréſor, eſt plus honoré que celui qui a gagné des batailles. C’eſt une bien méchante politique : l’or & l’argent ne ſont plus dans le commerce ; & ne vaut-il pas mieux qu’un Roi dépenſe deux millions à une fontaine, que de les enterrer, & en priver à jamais ſon peuple ? Car ici on ne touche jamais au tréſor. La dépenſe du Roi eſt réglée ſur ſes revenus, & tous les ans on en garde quelque choſe pour mettre dans le tréſor. Que ſi les revenus du Roi augmentent ou par quelque nouvelle conquête, ou par le moyen du commerce, alors ſa Majeſté gâte de l’argent. M. Conſtance me diſoit que l’année paſſée ayant eu beſoin d’argent pour payer l’armée qu’il envoyoit contre les révoltez de Camboge, il en avoit emprunté en ſon nom à l’un des Gardes du tréſor, qui l’avoit preſſé de le rendre, ſix mois aprés, à faute de quoi il ſeroit venu

G g ij