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du Voyage de Siam.

deſerte, choſe fort aiſée à trouver dans ce parage, il ſe trouve à la pointe du jour à la rade de l’Iſle Formoſe, le théatre de la guerre, & le lieu dont il vouloit ſur tout s’éloigner. Néanmoins s’eſtant apperceu que l’armée des Tartares n’y eſtoit pas encore arrivée, & ſe voulant défaire de M. d’Heliopolis, il le met à terre bruſquement avec ſes Miſſionnaires, & continuë ſon voyage au Japon. Tout eſtoit alors dans une étrange confufion à Formoſe : on y attendoit a tout moment l’irruption des Tartares ; & comme le Prince n’éſtoit pas en état de leur réſiſter, on voyoit ſur le viſage des habitans une triſteſſe qui préſageoit la captivité ou la mort. Peu de temps aprés les Tartares arrivent, & ne trouvent point de réſiſtance. Le Prince ſe rend à diſcretion, & ſes richeſſes immenſes ſont pillées. Que fera M. d’Heliopolis ? Il va droit au Général Tartare, & lui fait dire qu’il eſt le grand-pere des Chrétiens de la Chine, & qu’il lui demande la permiſſion d’aller voir ſes enfans. Cét air vénérable & Apoſtolique, ou pour mieux dire, l’eſprit de Dieu tourne le cœur de ce barbare. Il lui accorde ſa demande contre toutes ſortes d’apparences & de raiſons politiques, & lui donne un paſſeport & un vaiſſeau pour le porter à Fõ-kieñ, qui eſtoit préciſément le lieu de ſa miſſion. Il faut avouër que cela n’eſt pas naturel.

Le Roi de Siam, aprés avoir leu la Lettre du