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du Voyage de Siam.

coûté la vie à cinq ou ſix cens mille hommes. Il eſt aſſez grand, fort vieux, ridé, & a les yeux pliſſez. Il y a toujours auprés de lui quatre Mandarins avec des éventails pour le rafraîchir, des feuïllages pour chaſſer les mouches, & des paraſols pour le garantir du ſoleil quand il ſe promene. On ne le ſert qu’en vaiſſelle d’or ; & j’ai veu devant lui deux vaſes d’or, l’un pour boire, & l’autre pour manger. On lui donne de l’eau gardée depuis ſix mois, la plus vieille eſtant la plus ſaine. On dit, mais je ne l’ai pas veu, qu’il y a un petit éléphant blanc tout prêt à ſucceder au vieillard, quand il viendra à mourir. J’ai veu auſſi l’éléphant prince, qui eſt le plus grand & le plus ſpirituel des éléphans : c’eſt celui que le Roi monte. Il eſt fier & indomptable à tout autre, & quand le Roi paroît, il ſe met à genoux. On m’a dit qu’à Louvo nous verrions ce manege. Enfin dans la derniere cour, nous avons trouvé de grandes troupes de Mandarins, la face en terre, appuiez ſur leurs coudes. Il falloit monter ſept ou huit degrez pour entrer dans la ſalle d’audiance. M. l’Ambaſſadeur s’eſt arrêté avec M. Conſtance, pour donner le temps aux gentilshommes François d’entrer dans la ſalle, & de s’aſſeoir ſur des tapis. On eſtoit convenu qu’ils y entreroient la tête haute à la Françoiſe, avec leurs ſouliers, & qu’ils ſe mettroient à leur place avant que le Roi paruſt ſur ſon trône ; & que quand il y paroîtroit, ils lui feroient une in-

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