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ſe tenoit roide ſur les coutumes d’Europe. Je n’ai pas manqué mon coup. J’ai dit qu’il falloit s’accommoder aux coutumes de l’Orient dans les choſes qui bien loin d’eſtre honteuſes, eſtoient beaucoup plus honorables ; qu’on ne pouvoit rendre de trop grands honneurs à la Lettre du Roi : & là-deſſus j’ai propoſé à M. l’Ambaſſadeur, au lieu de mettre la Lettre entre les mains des Mandarins Siamois, de me la remettre à moi pour la montrer au peuple, & la porter à l’audiance. Il y a conſenti ; & en cela a eſté bien-aiſe de me faire plaiſir, & M. Conſtance auſſi qui vouloit ſeulement que la Lettre fuſt expoſée à la veue de tout le monde. Par-là je me ſuis donné un rang fort honorable : au lieu qu’auparavant j’eſtois aſſez embaraſſé de ma perſonne, n’ayant qu’une maigre coadjutorerie, & un caractere en idée. Il faudra bien honorer celui qui touchera la Lettre du plus grand Roi du monde : on me donnera à moi ſeul un balon du Roi ; j’irai à l’audiance à côté de M. l’Ambaſſadeur, & j’y aurai une place réglée & honorable.

Le jour eſt pris à jeudi 18. de ce mois. Les Aſtrologues aſſurent qu’il fera beau : on dit qu’ils ne ſe trompent preſque jamais. Il y a pourtant douze ans que le Roi ayant marqué un jour pour couper les eaux, il plut, & tous les beaux balons ſurent gâtez. Les Aſtrologues en furent chaſſez ; & depuis on n’a pas fait la cérémonie. Les Miſ-