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du Voyage de Siam.

faire eſpérer. Choſe admirable ! Dieu veut que je demeure toujours dans un état d’incertitude. Aprés avoir entretenu l’Abbé de Lionne, je croyois retourner en France : préſentement je croi demeurer à Siam ; & cela en raiſonnant fort juſte. Or ſouvenez-vous que depuis qu’on parle de cette affaire, j’ai toujours eſté incertain de ma deſtinée. D’abord j’ai eſpéré avec quelque fondement d’y venir Ambaſſadeur. J’ai veu nommer à la barbe de moi qui y ſongeois fort, M. le Chevalier de Chaumont qui n’y ſongeoit pas : cela n’eſt rien. J’ai tâché de me racrocher : mais combien de jours ai-je dit le ſoir & le matin, Irai-je, n’irai-je pas ? le voudra-t-on, ne le voudra-t-on pas ? Me voici arrivé à la barre de Siam : j’ai entretenu à fonds M. de Metellopolis, & n’en ſuis pas plus ſçavant. Ho bien Dieu ſoit loué de tout. Je le prie tous les jours de conduire tout à ſa gloire & à mon ſalut. Je me ſens avec ſa grace en état de recevoir tout avec tranquillité. Je demeurerai à Siam avec plaiſir ; & s’il faut retourner en France, je ferai bien-tôt conſolé. Quand il n’y aura point de ma faute, je n’aurai qu’a penſer, C’eſt la volonté de Dieu, allons gayement où il veut que nous allions ; & je le ferai comme je le dis. Ho, M. l’Abbé de D…, la belle choſe que la Religion Chrétienne ! qu’elle eſt d’un grand ſecours dans tous les événemens de la vie ! Un chrétien eſt prêt à tout, & toujours gai. Que Ti-

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