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Journal

le ſignal de la mort de M. d’Arbouville : & ce ſoir elle a tiré cinq coups de canon, aprés l’avoir jetté à la mer. Il eſtoit fils unique, auroit eu beaucoup de bien, & méritoit une deſtinée plus heureuſe : ſi ce n’eſt que Dieu le faiſant mourir ſi jeune, ait voulu lui ôter l’occaſion de l’offenſer ; en ce cas il eſt plus heureux que nous.

Il y a encore eu un grain ce ſoir, peu de vent, beaucoup de pluie & de tonnerre. Nous marchons au ſoleil, & le ſoleil marche à nous. Avant qu’il ſoit trois jours nous nous rencontrerons. Il ne faut pas s’étonner des fréquens orages : il pleut preſque toujours dans les païs où le ſoleil va viſiter le fonds des puits. Sa grande chaleur éleve continuellement des vapeurs, qui ſe réſolvent en pluie, & des exhalaiſons qui forment le tonnerre. Les Mandarins ſont ravis de voir des terres qui dépendent du royaume de Siam.

7. Septembre.

NOus avons dépaſſé ce matin Polcapat ; & nous eſtions à ſix heures du ſoir à la veuë de Polruangh. Le pilote Hollandois avoit quelque envie de ranger la grande terre ; mais il a pris au large, ſur ce qu’on lui a repréſenté que notre vaiſſeau prend dix-ſept piés d’eau, & que le paſſage eſt fort étroit à cauſe d’un banc de ſable. Nous allions gaillards au Noroueſt, quand tout d’un coup le vent en eſt venu avec une ſi grande violence.