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Journal

matin, on entend la Meſſe, on ne jouë point aux cartes, on ne jure point ; mais on danſe quand il fait beau, & toujours va qui danſe. Nous ne laiſſons pas de faire route. Tous nos matelots ſont des gaillards, dont le plus vieux a trente ans : ils ont plûtôt monté au perroquet du grand hunier, qu’on n’a tourné la tête ; & je crois voir cent danſeurs de corde, qui au moindre coup de ſiflet voltigent dans les airs, & ſçavent tout ce qu’ils ont à faire.

A dix heures du matin on a crié, Terre, terre, c’eſt L’Iſle de Porto Sancto : nous ne croyions la reconnoiſtre qu’après midi. On a tenu conſeil pour ſçavoir ſi on paſſeroit entre Porto Sancto & Madere ; & on a réſolu de peur des calmes de laiſſer Madere à main gauche, ou pour mieux dire à babor ; & d’aller enſuite vers Palma, ou l’Iſle de fer la plus occidentale des Canaries. Nous les laiſſerons à gauche ces Iſles fortunées, & nous ne ſommes point réſolus à quitter notre route, pour chercher l’Iſle inacceſſible : ce me ſeroit pourtant un grand plaiſir de faire un peu ma cour à Alcidiane.

On n’a pu prendre hauteur : le ſoleil s’eſt caché. Cela ne nous eſtoit pas néceſſaire, puis qu’on avoit veu terre, & qu’on ſçait aſſez que l’Iſle de Porto Sancto eſt à 33. degrez & demi.

A une heure aprés midi on a veu Madere, & nous l’avons côtoyée toute l’aprés-dînée, ſans

pourtant