Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
Journal

ce ne fut point l’Iſle des Cocos que nous vifmes avant hier. Il faut que ce ſoit une Iſle inconnuë ; ou que les Hollandois n’ayent pas voulu la marquer dans la Carte, pour dérober leur route aux autres nations. Ce ſoir au coucher du ſoleil nous vous dirons le nom de la terre que nous voyons. C’eſt aſſurément l’Iſle de Java. Nous en ſommes à trois lieuës. Les terres en ſont aſſez baſſes ſur le bord de la mer : mais à ſept ou huit lieues avant dans l’Iſle, il s’éleve de fort hautes montagnes. Nous jugeons eſtre à cinquante lieuës du détroit de la Sonde vers l’Eſt : & tant mieux, nous n’avons plus qu’à arriver. Le Sueſt nous eſt vent arriere, & c’eſt le plus bel atterrage qu’on pouvoit ſouhaiter. Il vaut mieux eſtre à cinquante lieuës du détroit au deſſus du vent, qu’a ſix lieuës au deſſous. Ce qui fait juger encore que nous ſommes au deſſus du vent, c’eſt qu’avant-hier nous voyions du goimon, des cannes, des roſeaux ; & préſentement nous ne voyons plus rien de tout cela. C’eſt que tout cela venoit du détroit, & eſtoit pouſſé par les courans, qui en ce temps-ci vont du Nord au Sud ; & nous les avons veus, quand nous eſtions au large, vis à vis du détroit. Il faut aller bride en main dans un païs qu’on ne connoît point. M. de Vaudricourt n’eſt rien moins qu’étourdi. Nous allons courir juſqu’à ce que la lune ſe couche, & puis nous mettrons en pane juſqu’à la pointe du jour.