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nastère de la très-sainte Vierge, l’Éverguétesse à Tsarograd ; la plus forte somme en fut distribuée aux monastères du mont Athos. Il donna le troisième lot aux Pères et aux anachorètes du désert. Quant à la quatrième partie, il la dépensa, soit pour les besoins de son propre monastère, soit pour tous les pauvres en général, car c’est dans ce but que l’existence des trésors lui a été révélée, comme à un distributeur intègre et impartial. À cette époque de sa vie appartient aussi la résolution que prit Sabba de se consacrer au silence, vœu qu’il avait fait antérieurement et qu’il désirait ardemment accomplir. Il choisit donc à Carey un terrain très-propre à l’exécution de son projet, et l’ayant acheté au prote, il s’y fit bâtir un ermitage de silence, avec une chapelle dédiée à saint Sabba l’illuminateur. Cloîtré dans cette retraite, il y resta dans un mutisme absolu, s’oubliant soi-même, et n’obéissant qu’à l’élan de l’amour de Dieu, pour courir après les conquêtes de l’âme, mener une vie dure, jeûner au delà des limites des forces humaines, veillant des nuits entières, couchant dans une fosse (dolom léganié), méditant à genoux, le cœur contrit, avec des larmes incessantes et des prières jaillissant du fond de l’âme. À force de s’humilier et de plonger dans les profondeurs de l’amour divin, il com promit sa santé, à un tel point que son estomac, affaibli par des jeûnes excessifs, ne pouvait plus supporter aucune nourriture solide. Cependant il souffrait avec des sentiments de gratitude, n’y voyant qu’une épreuve de plus envoyée par Dieu, et aimant mieux mourir d’un effort aussi sublime que de donner prise à des passions charnelles. Il se souvenait de cette parole de l’apôtre : Tant plus l’homme extérieur se détruit, tant plus l’homme intérieur se renouvelle. Maints témoins de ces luttes héroïques essayaient de l’imiter. Souvent il priait Dieu de lui faire savoir si son père jouissait déjà des gloires célestes. Une nuit, il vit apparaître saint Syméon, marchant en compagnie de quelques figures éblouissantes de lumière, couronné d’une gloire ineffable et d’une auréole de rayons solaires, et lui disant : Pourquoi te tourmenter ainsi et te chagriner après moi, fils chéri ? Réjouis-toi plutôt et sois heureux de ce que, sur ta demande, le Seigneur Dieu t’envoie cette vision à mon sujet. Contemple l’immensité de ces gloires dont le bon Dieu m’a enrichi,