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une telle quantité de seigneurs et de nobles, de toutes conditions et des deux sexes, qu’on ne savait plus où les loger dans la ville. Au jour désigné pour la convocation, l’autocrate se présenta au milieu de l’assemblée, et, se tenant d’abord debout, il ordonna de lire à haute voix l’écrit en question. Après la lecture, il leur tint ce discours : « Amis, frères et enfants, vous connaissez les détails de ma vie. Depuis son premier jour, elle s’est heureusement écoulée au milieu de vous ; j’ai élevé chacun de vous comme un fils chéri ; je vous considérais comme mes amis. Je me plais à vous rendre ici ce témoignage, que vous aussi, vous m’étiez toujours respectueusement soumis et fidèles. Tous ensemble et unis en Dieu, nous défendîmes nos vies et nous sauvegardâmes l’intégrité de notre empire contre les empiétements de nos ennemis. Ce n’est pas en mettant notre espérance dans nos arcs ni dans nos bras, que nous fûmes sauvés, mais bien par la fermeté de notre foi dans le Père, le Fils et Saint-Esprit, réunis dans un seul Dieu. De par la puissance de la vénérable croix du Sauveur nous terrassâmes nos ennemis ! Maintenant je supplie chacun de vous, et je vous lègue ceci : Éclairés par notre foi dans la sainte, l’unique, la vivifiante et l’indivisible Trinité, conservez-la pure et libre du contact de toutes ces hérésies que nous avons victorieusement repoussées. Obéissez et soyez fidèles à celui que, Dieu aidant, je laisse à ma place, pour vous gouverner avec amour ; je vous prie et vous recommande à vous tous, petits et grands, d’obéir à ses ordres comme vous avez obéi aux miens. Honorez dûment les sanctuaires de Dieu et ceux qui l’y servent. Bref, faites ce que vous êtes habitués de me voir faire ! » Ces paroles de l’autocrate émurent et en même temps étonnèrent tous les assistants, qui en ignoraient encore le motif ; or, pour éclaircir leurs doutes, il ajouta : « Membres du conseil que j’aime et que Dieu m’a donnés, vous venez d’entendre ce que m’écrit mon fils ; il me renie, déclarant qu’il ne me verra plus de ma vie si je ne le suis dans le désert. En effet, j’ai bien assez de ces jouissances du pouvoir suprême et de ces joies d’ici-bas, que j’ai partagées avec vous jusqu’à ce jour. J’en appelle à vos sentiments d’affection pour moi, et je vous prie de me laisser m’en aller vivre avec mon fils en portant ma croix derrière lui. »