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exemplaire au mont Athos, ressemblait à celle de saint Thomas aux Indes. Il parcourait nu-pieds les déserts et les monastères, distribuant de l’or, et s’édifiant au ciel un palais invisible, qu’il appelait de tous ses vœux, espérant y demeurer éternellement avec son père ; et, en effet, ils y habitent maintenant ! Sabba, de retour à son monastère de Vatopède, reprit ses premiers exercices. Un jour qu’il avait fait cuire une provision de pains, il les chargea encore tout chauds sur les mulets du monastère, et alla les porter à ceux des frères qui travaillaient dans le désert. Dès le grand matin, il se mit en route et nu-pieds il marchait en avant, le premier des premiers. Occupé du soin de nourrir les ermites du désert, il y restait trois ou quatre jours, quelquefois même une semaine. Cette fois-ci, c’était un samedi, l’un des jours de la grande quarantaine. Le bienheureux Sabba s’empressa d’apaiser la faim des anachorètes avec ses pains chauds et vivifiants comme les prières qu’ils adressaient au ciel pour le salut du jeune moine. Lors de cette pieuse excursion, se trouvant à l’endroit nommé Mellipotame, il fut attaqué par des corsaires et fait prisonnier avec tous ses compagnons de voyage. Il était moins affligé de sa captivité que du regret de se voir arrêté et mis dans l’impossibilité de porter ses pains à l’heure du dîner des Pères, qui jeûnaient : voilà ce qui le faisait souffrir. À la demande des corsaires : D’où viens-tu ? à quel monastère appartiens-tu ? il répondit : Je suis disciple du vénérable Macaire. Il m’avait envoyé pour affaire au couvent de Svigmène, dont le prieur et les frères m’ont retenu, et voilà pourquoi ils m’ont chargé de porter du pain aux vieillards qui jeûnent dans le désert, et souffrent pour l’amour du Christ, selon l’ancienne coutume. Disant cela, il prie Dieu du fond de son cœur et conjure les saints de le délivrer de sa captivité. Ces brigands hérétiques, attendris ou plutôt aveuglés par Dieu, laissent partir le bienheureux avec tous ses compagnons, en sorte qu’il put porter à temps les pains destinés aux Pères. Il leur raconta comment, grâce à leurs prières, Dieu venait de le sauver des mains de leurs ennemis. Les ermites, les larmes aux yeux, demandaient à Dieu de récompenser, par sa grâce, le jeune moine, qu’ils embrassaient et bénissaient. Quant aux corsaires, revenus de leur étonne-