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connaissance. Tous les autres sont saisis d’épouvante, mais bientôt se remettant de leur trouble, et usant du peu de force qui leur reste, ils s’empressent de prodiguer leurs soins au tzar et à la tzarine. Ils les relèvent et les font peu à peu revenir à eux… Enfin, le souverain donne les premiers signes de vie ; remis de sa défaillance, il ne dissimule pas son ardent désir de venger l’insulte dont cet événement flétrit l’honneur de son empire. Le tzar sent tout ce qu’il y avait d’ignoble et de perfide dans la conduite astucieuse des moines. Ses yeux lancent des éclairs brillants comme la foudre, et il s’écrie d’une voix colère : Ah ! loups rapaces, cachés sous la peau de brebis ! Que l’on m’apporte mon vieux casque et mon cimeterre, j’irai en essuyer la rouille sur leurs têtes ! Ces paroles, prononcées par le tzar, s’échappaient du fond de son cœur bouillant de rage et du dépit de voir sa majesté outragée. Tous les seigneurs qui l’entourent sont frappés de terreur. Ils redoutent que cette surexcitation n’exerce une pernicieuse influence sur la santé du prince. Ils se jettent à ses genoux, le suppliant de maîtriser les émotions de son cœur paternel, qui pourraient être funestes à son corps affaibli par l’âge. Ils ajoutent : Tous, nous sommes prêts à venger l’atteinte que vous avez reçue dans vos affections les plus intimes ! Ils n’attendent qu’un signe de lui pour exécuter ses ordres. Cependant l’un d’eux s’écria : Daigne, ô très-gracieux souverain, apaiser les éclats de ce courroux qui te bouleverse et expose ta santé précieuse à un imminent péril ! Au nom de l’affection que tu portes à tes sujets, et de l’amour dont tu brûles pour le fruit de tes entrailles, nous t’en conjurons, calme toi !… Pressé par les sollicitations des seigneurs qui l’entouraient et insistaient au risque de lui déplaire, le tzar se laissa enfin fléchir, et, prêtant l’oreille à leurs prières, il prit le deuil et commanda que tous les membres de sa famille le prissent avec lui. On voila de noir la couronne, le globe (royaume) et tous les insignes qui avaient appartenu à l’enfant. Il pleura d’abord avec la tzarine accablée de douleur ; ensuite ils baisèrent à plusieurs reprises les blonds cheveux de leur cher fils. Leurs regards ne se détournaient de ces objets que pour y revenir aussitôt. Ils appelaient leur cher enfant par son nom, et, embrassant