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j’aie prisé mes aises personnelles au-dessus du bien-être du peuple, ou que d’ignobles sentiments de mépris de l’amour filial et de la tendresse due aux parents, m’aient poussé à fuir le monde, les hommes et ma famille, jusqu’au fond de ce désert. — Ah ! s’il m’était donné de pouvoir ouvrir mon cœur devant vous, je serais certainement excusable aux yeux de tout le monde et en même temps justifié !…… Mais, maintenant c’en est fait !…… vos efforts ne sauraient me profiter non plus que les larmes et les sanglots de mes parents ! Je vous en supplie donc, mes braves amis, cessez vos lamentations. Retournez là où le devoir vous appelle, saluez-y mes chers parents ainsi que mes bien-aimés frères ; qu’ils ne s’affligent plus à cause de moi, qu’ils ne m’en veuillent pas ; je suis toujours de la famille ! — Mais, ô affreuse et foudroyante pensée, qu’ils ne me maudissent pas ! qu’ils viennent plutôt au mont Athos, eux aussi, glorifier le Très-Haut qui a daigné m’accorder la faveur de louer dans ce sanctuaire sa providentielle bonté, et d’atteindre enfin l’objet de tous les vœux de ma plus tendre enfance. Ici j’espère servir d’appui à leur vieillesse, et honorer leurs cheveux blancs…… En disant cela, il fait quelques pas en avant, la menace au front, le visage inondé de larmes ; puis il tombe par terre et reste là sans proférer aucune parole…… Il se relève enfin. Ses yeux, reflétant la rage, la souffrance et la résolution, s’arrêtent sur le groupe des guerriers qui se désespéraient réunis au bas de la colonne. Du fond de son cœur rempli d’amertume, il pousse un soupir, et, leur jetant ses vêtements princiers et des poignées de boucles des cheveux blonds dorés qu’on lui a coupés, il dit : « Prenez ces signes et emportez-les comme autant d’incontestables preuves que vous m’avez trouvé vivant, moi, Sabba de nom, moine de Dieu. » Il y joignit un message préparé d’avance, adressé à ses parents et conçu en ces termes :

« Mes très-gracieux et très-chers parents, je sais combien vous affligera tout d’abord la nouvelle de ma séparation, que l’on suppose à tort éternelle. J’espère qu’aussitôt que vous aurez appris pourquoi j’ai renoncé aux biens de ce monde, je vous verrai immédiatement venir, Dieu le permet-