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éclairé l’horizon, les nobles seigneurs, se rendirent au camp du tzarévitch[1], pour saluer leur maître, et ne l’ayant pas trouvé, ils disent : voilà le vilain tour qu’il nous a joué, parce que nous avons dormi plus longtemps que lui ! Dès le grand matin il sera retourné à la maison de son père. Cependant attristés et ne sachant pas comment agir, ils firent beaucoup de recherches dans la montagne sans pouvoir le trouver. Alors, abandonnant la chasse, ils se rendent chez ses parents, et ils déclarent ignorer ce qu’est devenu leur fils. Ceux-ci à la réception de cette triste nouvelle concernant Rastko, frappés de consternation et d’une immense douleur, tombent instantanément par terre, semblables à des corps inanimés. C’est à grand’peine qu’étant aspergés d’eau froide, on put les faire revenir à la vie. La nouvelle de ce fait étrange s’étant répandue parmi les seigneurs et les nobles de l’empire, ils accouraient de tous côtés et il y eut beaucoup de larmes et de gémissements. Après l’explosion des premières impressions d’affliction et de douleur, l’autocrate revenu à lui-même intima à tous l’ordre de cesser de pleurer. Il commença par rendre des actions de grâces à Dieu, et ensuite il dit à tous ceux qui l’entouraient, de même qu’à son épouse chérie, la mère du jeune prince : « Du courage, amis, nous n’avons pas de motifs pour continuer à nous affliger trop. Mon fils ne périra point. Dieu qui nous l’avait donné quand nous n’avions plus d’espoir, daignera encore une fois me permettre de le voir et de me repaître de la vue de ses traits chéris. » Aussitôt il fait venir un de ses chefs en lui disant : Ami, tu connais la douleur d’un père et l’ardeur qui consume les entrailles des parents, et le feu inextinguible qui brûle dans leur cœur ; saisis donc, mon cher, cette occasion de nous prouver ta fidélité et ton amour. Si tu atteins et ramènes mon fils, tu auras arraché la mère à une mort certaine et soulagé mon cœur paternel ; en même temps tu auras mérité de notre part toutes espèces de distinctions et de faveurs. Après quoi, il appelle auprès de lui plusieurs jeunes seigneurs, et les ayant excités par de semblables promesses, il les fait monter sur des chevaux vigoureux et leur ordonne de se rendre jusque dans les réduits les plus reculés du mont Athos.

  1. Titre honorifique qui signifie « fils du tzar, » et en même temps, « héritier de sa couronne. »