Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’atteignent ! Il est tout-puissant. Il me ferait revenir sur mes pas, et alors plus d’espérance ! Je lui aurais causé inutilement du chagrin, et moi-même je me serais couvert de honte avant d’avoir réussi dans l’œuvre de Dieu. Le vieillard, qui écoutait attentivement, répondit : « Enfant chéri de Dieu, l’amour des parents est certes une chose désirable et les liens de la nature doivent être respectés. Cependant Notre-Seigneur Jésus-Christ recommande de les abandonner pour le suivre dans le royaume du ciel. » Rastko, semblable à un sol fertile, recevait dans son cœur chacune des paroles du vieillard, en les arrosant avec des larmes de joie. Le prêtre étonné admirait la puissance de l’amour dont le jeune prince brûlait pour la cause de Dieu, et il dit : Mon fils, je vois ton âme plongée dans les profondeurs de l’amour divin ; hâte-toi de réaliser tes projets, qui ne manqueront pas de te profiter aussi bien qu’aux tiens. Pendant le voyage, je t’accompagnerai moi-même pour te soigner et te conduire jusqu’au mont Athos. Espérons en Dieu ; seulement pourvois-toi d’un bon cheval de course, et partons d’ici au plus tôt. À ces paroles, le jeune homme, plein de joie, ayant adressé une prière de reconnaissance au ciel, remercia aussi le vieillard : « Dieu te bénisse, ô saint père, dit-il, de m’avoir fortifié l’âme ! »

Il va trouver ses parents, et les prie de le bénir, sous le prétexte de vouloir prendre part à une chasse aux bêtes fauves, dont on organisait la battue dans les montagnes voisines du château. Que Dieu et sa bénédiction, disent-ils, soient avec toi, cher fils ; qu’il te défende et qu’il aplanisse le chemin sous tes pas. Pour mieux rassurer ses parents, Rastko fait aussitôt envoyer dans la montagne son équipage de vénerie, avec l’ordre d’y préparer la battue. Il sort du château avec ses gentilshommes, en déclarant que le lieu du rendez-vous général est au pied de telle et telle montagne. En effet ils y arrivent, et après s’être divertis en sa compagnie jusqu’au soir, ils s’endorment d’un sommeil profond. Alors Rastko court rejoindre son moine affidé et ils partent secrètement. Les voyageurs poursuivaient leur course accélérée pendant toute la nuit, et ils étaient déjà bien loin au moment où les premières lueurs de la matinée commencèrent à poindre. Lorsque le jour eut