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témoin le ciel et la terre, et vos propres yeux chéris, voyez et dites ; n’avons-nous pas bien honoré la tombe de votre père et maître ? Sa vie et ses divines paroles ont longtemps profité chez vous ; laissez-nous donc à notre tour jouir de sa mort. Que le souvenir de ses derniers jours passés chez nous et son tombeau vénérable soient toujours devant nos yeux. Non, jamais nous ne consentirons à l’enlèvement de ses reliques ! Vladislav et sa suite en furent attristés. Ils passèrent tous la nuit suivante en prières, demandant à Dieu et au saint de changer le cœur d’Aciène, afin qu’il se laissât fléchir. Or, Dieu ne voulant pas qu’ils retournassent dans leur patrie tristes et honteux, envoya un ange, sous la figure de saint Sabba, qui, cette nuit même, apparut au tzar Aciène et lui ordonna de permettre au roi Vladislav, de ramener les reliques en Serbie. Le lendemain matin, le tzar fit venir son gendre, le roi de Serbie, et lui dit : La foi, l’amour du bien, et la piété m’avaient inspiré le désir de garder toujours le saint corps de l’élu de Dieu, pour sauvegarder notre puissance dans toutes les générations à venir. Cependant comme tu t’es donné la peine de descendre de ton trône pour venir jusqu’ici, je ne te laisserai pas retourner triste et les mains vides. Tu n’es pas venu comme un brigand, mais bien comme mon fils bien-aimé, plein de douceur et de piété. Reçois donc ce que ton cœur désire, et pars avec la paix de Dieu ! Que saint Sabba ne m’oublie pas dans les prières qu’il fait là-haut. À ces paroles, le roi Vladislav, étonné, dit dans son cœur : La droite du Seigneur a opéré ce changement, gloire à toi, ô mon Dieu ! Il se lève, remercie le tzar et, joyeux, court annoncer la bonne nouvelle aux siens et préparer le départ. Le lendemain, après le service divin et les prières pour le défunt, on ouvrit le cercueil, et l’on trouva le corps parfaitement conservé, la figure gaie et rayonnante de sainteté ; on l’eût dit endormi. Les cheveux et la barbe intacts exhalaient une suave odeur. Divers malades furent guéris, dès qu’ils touchèrent les précieux restes. On les mit dans un coffre de grand prix et, pour éviter les violences de la populace, le roi la prit avec lui dans une voiture d’Aciène, escortée par des gens bien armés. Le tzar offrit de riches présents à son gendre et à sa suite, et leur fit ses adieux. Sur les