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sa patrie, saint Sabba proclama la paix et l’amitié en présence de tous les seigneurs réunis à la cour. Il remit les cadeaux, au grand contentement de tous. Quelque temps après, le roi son frère, tombé gravement malade, le pria de le consacrer moine. Le saint ne voulut pas y consentir, disant : Lorsque ton temps sera venu, je te servirai de mes propres mains. Le roi s’étant rétabli un peu, l’archevêque se rendit ailleurs. Sa majesté eut une rechute qui le fit plus cruellement souffrir que la première fois. Il expédia messagers et lettres pour presser le retour du saint : Dépêche-toi, lui écrivait-il, toi mon ange tutélaire, et hâte-toi ou tu ne me verras plus vivant. Aussitôt la lettre reçue et lue, le saint partit pour rejoindre le roi Étienne. Mais celui-ci avait rendu l’âme sans avoir pris l’habit monastique, et sans avoir désigné l’héritier des droits de sa maison royale et du trône. En arrivant, saint Sabba regrettait beaucoup de n’avoir pas consenti au désir du défunt. Il se mit à prier, disant : Maître suprême, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et fils coéternel d’un père qui n’a pas d’origine ! toi qui as daigné enfin te revêtir du corps humain pour nous sauver ! toi qui, dans ta double nature, as daigné pleurer sur ton ami Lazare, et qui, par la puissance de ta divinité, l’as relevé de la pourriture de son tombeau de quatre jours, pour le rendre à ses sœurs tout vivant ! toi, qui n’as point méprisé la prière du centenier et de la veuve, en leur remettant leurs enfants arrachés au lit de la mort ! Moi, pauvre pécheur que je suis, j’ose les imiter, et, recourant à ta grâce, t’invoquer pour mon frère ! Daigne ordonner à son âme de rentrer dans son corps aujourd’hui et d’y demeurer jusqu’à la nuit suivante ! Qu’il puisse vivre assez longtemps pour être consacré moine, selon son désir ! Après cette prière, du doigt de sa main droite, il lui traça le signe de la croix sur le cœur, disant : Lève-toi, frère, et parle-moi ! Alors, ô merveille, le défunt, comme s’il se réveillait, ouvre les yeux et les attachant sur le saint, penché au-dessus de lui, prend sa main et la baise respectueusement. Le saint le relève et le fait asseoir. Il lui confère d’abord la tonsure monastique. Ensuite, saint Sabba amène devant lui son fils aîné Radoslav, aux mains duquel le père ressuscité confie le royaume, la maison et ses frères. Puis le