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L’empereur, avec le saint concile, tout son synode et une foule de gens du peuple, assistaient au sacre. On y voyait saint Sabba inondé d’une lumière brillante au delà de toute expression, et semblable à la lueur du feu. Après le service divin, l’empereur, les seigneurs, les nobles et tout le peuple, passèrent un à un sous sa main droite pour en recevoir la bénédiction. L’empereur invita à sa table le saint, nouvellement sacré archevêque de Serbie, et avec lui le patriarche et les membres du saint concile. Pour l’amour de saint Sabba, l’empereur les combla tous de riches présents, et après un festin plein de gaieté et de magnificence, il les congédia gracieusement.

Saint Sabba voulait regagner ses foyers pour suivre la destinée que Dieu lui avait faite, mais il fut arrêté par les considérations suivantes : Quelle longue distance ne nous faut-il pas parcourir pour se rendre de la Serbie jusqu’à Tsarograd, toutes les fois qu’il faudra s’occuper de l’élection et du sacre de notre archevêque ? Quelles immenses dépenses la Serbie devra faire, soit pour frais de voyage, soit pour distribution de présents ? Mais surtout, quels obstacles pourra nous susciter, soit la jalousie des souverains orientaux et occidentaux, qui souvent enfreignent la paix pour recourir aux hostilités et à la violence, soit le patriarche, qui par des motifs de haine ou autres, entravera la marche des affaires de notre église nationale ? Préoccupé de toutes ces réflexions, saint Sabba se rendit auprès de l’empereur et le supplia, disant : Si votre majesté[1] voulait couronner l’œuvre d’amour et de bienveillance que Dieu lui a inspirée, je la prierais d’ordonner au très-saint Père le patriarche œcuménique, de me donner sa bénédiction avec le droit de ne plus venir à Constantinople, pour le sacre des archevêques de Serbie. Qu’il nous autorise de recevoir désormais la consécration archiépiscopale dans notre pays, et d’y être institués par les évêques nationaux. Bien que cette proposition majeure déplût au patriarche et à l’empereur, celui-ci, mû par les sentiments de son affection toute particulière envers le saint, ne lui put rien refuser. Aussi persuada-t-il le patriarche de la nécessité d’agréer la demande des Serbes. Le très-saint patriarche fit écrire sa bénédiction, revêtue de sa si-

  1. Votre majesté, tvoia tihost, littéralement « ta tranquillité ».