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Strézo. Le saint ouvrit la séance par un discours plein de douceur et de calme, citant les passages de l’Évangile, des prophètes, et les maximes de son père, sur la bonne entente et la réconciliation. Il lui rappela l’accueil fraternel, la bienveillance du tzar envers lui. Il lui parla ensuite de la crainte de Dieu, de la punition réservée au serment violé, de la promptitude de la vengeance divine, etc. Strézo, inexorable et insensible comme le rocher, ne fit aucun cas de ces représentations, ni des peines que le saint s’était données en venant le conseiller jusque chez lui. Saint Sabba, voyant qu’il ne voulait céder à aucun raisonnement, dit : Nous voulons ton bien autant que le nôtre. Maintenant, prince, libre à toi de rejeter ces paroles, sans obéir ni à Dieu ni à nous ; mais tu verras bientôt le malheur s’appesantir sur ta tête ! Sorti de chez Strézo, il revint dans son camp, éleva ses mains vers Dieu et lui adressa une prière sortie des profondeurs de sa conscience. En le suppliant de cœur et d’âme, il dit : Seigneur, hâte-toi de nous venir en aide, car nous avons mis toutes nos espérances en toi ! Maître souverain ne laisse pas les renégats se réjouir de nos péchés. Ah ! que leurs glaives pénètrent plutôt dans leur propre cœur, et que tous voient ta bienveillance envers nous qui est immense et jusqu’ici sans exemple ! Que ton nom soit sanctifié et glorifié, avec le Père et le Très-Saint-Esprit dans tous les siècles ! Amen. On eût dit qu’il voyait déjà en esprit ce qui devait arriver, car cette nuit même il s’empressa de retourner près de son frère. Quant à Strézo, le possédé, étant cette même nuit endormi dans son lit, il poussa tout à coup un cri féroce : Ah ! Sabba, Sabba ! Quelqu’un qui veillait auprès de lui demanda : Qu’avez-vous donc, mon prince ? À quoi il répondit, pouvant à peine respirer : Je ne sais quel terrible jeune homme, envoyé par Sabba le Serbe, m’a attaqué ; il m’arrachait mon glaive, il le plongeait dans mon cœur ! Effrayé, il supplia instamment ses gens d’aller promptement chercher Sabba. Les messagers ne l’ayant pas trouvé au camp qu’il avait déjà quitté, l’inflexible Strézo périt au milieu d’un bruit infernal. Ses vaïvodes, témoins de sa mort, saisis d’effroi, se retirèrent dans leurs maisons, et il y en eut plusieurs qui, reconciliés avec l’autocrate, finirent par embrasser son parti. Tous allèrent chez le saint lui raconter