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le compte de sa maman, que je me plaisais à chamarrer ainsi de vices & de ridicules.

Ce n’était pas sans motif que j’avais fait ce choix ; il encourageait mieux que tout autre ma timide écolière, & je lui inspirais en même temps le plus profond mépris pour sa mère. J’ai remarqué depuis longtemps, que si ce moyen n’est pas toujours nécessaire à employer pour séduire une jeune fille, il est indispensable, & souvent même le plus efficace, quand on veut la dépraver ; car celle qui ne respecte pas sa mère ne se respectera pas elle-même : vérité morale, que je crois si utile, que j’ai été bien aise de fournir un exemple à l’appui du précepte.

Cependant votre pupille, qui ne songeait pas à la morale, étouffait de rire à chaque instant ; & enfin, une fois, elle pensa éclater. Je n’eus pas de peine à lui faire croire qu’elle avait fait un bruit affreux. Je feignis une grande frayeur, qu’elle partagea facilement. Pour qu’elle s’en ressouvînt mieux, je ne permis plus au plaisir de reparaître, & je la laissai seule trois heures plus tôt que de coutume : aussi convînmes-nous, en nous séparant, que dès le lendemain ce serait dans ma chambre que nous nous rassemblerions.

Je l’y ai déjà reçue deux fois ; & dans ce court intervalle, l’écolière est devenue presque aussi savante que le maître. Oui, en vérité, je lui ai tout appris, jusqu’aux complaisances ! je n’ai excepté que les précautions.

Ainsi occupé toute la nuit, j’y gagne de dormir une grande partie du jour ; & comme la société actuelle du