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que deux mots, qu’il m’a dit que si j’avais quelque chose à lui dire, il viendrait le soir dans ma chambre, & je n’ai eu qu’à répondre que je le voulais bien. Et puis, dès qu’il y a été, il n’a pas paru plus fâché que si je ne lui avais jamais rien fait. Il ne m’a grondée qu’après, & encore bien doucement ; & c’était d’une manière… tout comme vous : ce qui m’a prouvé qu’il avait aussi bien de l’amitié pour moi.

Je ne saurais vous dire combien il m’a raconté de drôles de choses, & que je n’aurais jamais crues ; particulièrement sur maman. Vous me feriez bien plaisir de me mander si tout ça est vrai. Ce qui est bien sûr, c’est que je ne pouvais pas me retenir de rire ; si bien même qu’une fois j’ai ri aux éclats, ce qui nous a fait bien peur : car Maman aurait pu entendre ; & si elle était venue voir, qu’est-ce que je serais devenue ? C’est bien pour le coup qu’elle m’aurait remise au couvent.

Comme il faut être prudent, & que, comme M. de Valmont m’a dit lui-même, pour rien au monde il ne voudrait risquer de me compromettre, nous sommes convenus que dorénavant il viendrait seulement ouvrir la porte, & que nous irions dans sa chambre. Pour là, il n’y a rien à craindre ; j’y ai déjà été hier, & actuellement que je vous écris, j’attends encore qu’il vienne. A présent, Madame, j’espère que vous ne me gronderez plus.

Il y a pourtant une chose qui m’a bien surprise dans votre lettre ; c’est ce que vous me mandez pour quand je serai mariée, au sujet de Danceny & de M. de Valmont. Il me semble qu’un jour à l’Opéra,