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J’ai été tout de suite après chez madame la présidente pour voir mademoiselle Julie : mais elle était sortie & je n’ai parlé qu’à La Fleur, de qui je n’ai pu rien savoir, parce que depuis son arrivée il n’avait été à l’hôtel qu’à l’heure des repas. C’est le second qui a fait tout le service, & monsieur sait bien que je ne connaissais pas celui-là. Mais j’ai commencé aujourd’hui.

Je suis retourné ce matin chez mademoiselle Julie, & elle a paru bien aise de me voir. Je l’ai interrogée sur la cause du retour de sa maîtresse ; mais elle m’a dit n’en rien savoir, & je crois qu’elle a dit vrai. Je lui ai reproché de ne m’avoir pas averti de son départ, & elle m’a assuré qu’elle ne l’avait su que le soir même en allant coucher madame ; si bien qu’elle a passé toute la nuit à ranger, & que la pauvre fille n’a pas dormi deux heures. Elle n’est sortie ce soir-là de la chambre de sa maîtresse qu’à une heure passée, & elle l’a laissée qui se mettait seulement à écrire.

Le matin, madame de Tourvel, en partant, a remis une lettre au concierge du château. Mademoiselle Julie ne sait pas pour qui : elle dit que c’était peut-être pour monsieur ; mais monsieur ne m’en parle pas.

Pendant tout le voyage, madame a eu un grand capuchon sur sa figure, ce qui faisait qu’on ne pouvait la voir : mais mademoiselle Julie croit être sûre qu’elle a pleuré souvent. Elle n’a pas dit une parole pendant la route, & elle n’a pas voulu s’arrêter à *** [1],

  1. Toujours le même village, à moitié chemin de la route.