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n’en aurait pas moins fallu, un jour ou l’autre, nous occuper de ce que nous allons faire : dans aucun cas, nos soins ne seront perdus.

Savez-vous que les miens ont risqué de l’être, & que l’étoile de Gercourt a pensé l’emporter sur ma prudence ? Madame de Volanges n’a-t-elle pas eu un moment de faiblesse maternelle ? ne voulait-elle pas donner sa fille à Danceny ? C’était là ce qu’annonçait cet intérêt plus tendre, que vous aviez remarqué le lendemain. C’est encore vous qui auriez été cause de ce beau chef-d’œuvre ! Heureusement la tendre mère m’en a écrit, & j’espère que ma réponse l’en dégoûtera. J’y parle tant de vertu, & surtout je la cajole tant, qu’elle doit trouver que j’ai raison.

Je suis fâchée de n’avoir pas le temps de prendre copie de ma lettre, pour vous édifier sur l’austérité de ma morale. Vous verriez comme je méprise les femmes assez dépravées pour avoir un amant ! Il est si commode d’être rigoriste dans ses discours ! cela ne nuit jamais qu’aux autres, & ne nous gêne aucunement… Et puis je n’ignore pas que la bonne dame a eu ses petites faiblesses comme une autre, dans son jeune temps, & je n’étais pas fâchée de l’humilier au moins dans sa conscience ; cela me consolait un peu des louanges que je lui donnais contre la mienne. C’est ainsi que dans la même lettre, l’idée de nuire à Gercourt m’a donné le courage d’en dire du bien.

Adieu, vicomte ; j’approuve beaucoup le parti que vous prenez de rester quelque temps où vous êtes. Je n’ai point de moyens pour hâter votre marche : mais