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timide ; d’un enfant né de vous & dont l’éducation modeste & pure n’a pu que fortifier l’heureux naturel ? C’est pourtant à cette crainte que j’ose dire humiliante pour votre fille, que vous voulez sacrifiez le mariage avantageux que votre prudence avait ménagé pour elle ! J’aime beaucoup Danceny ; & depuis longtemps, comme vous savez, je vois peu M. de Gercourt : mais mon amitié pour l’un, mon indifférence pour l’autre, ne m’empêchent point de sentir l’énorme différence qui se trouve entre ces deux partis.

Leur naissance est égale, j’en conviens ; mais l’un est sans fortune, & celle de l’autre est telle que, même sans naissance, elle aurait suffi pour le mener à tout. J’avoue bien que l’argent ne fait pas le bonheur ; mais il faut avouer aussi qu’il le facilite beaucoup. Mademoiselle de Volanges est, comme vous dites, assez riche pour deux : cependant, soixante mille livres de rente dont elle va jouir ne sont pas déjà tant quand on porte le nom de Danceny, quand il faut monter & soutenir une maison qui y réponde. Nous ne sommes plus au temps de madame de Sévigné. Le luxe absorbe tout : on le blâme, mais il faut l’imiter ; & le superflu finit par priver du nécessaire.

Quant aux qualités personnelles que vous comptez pour beaucoup, & avec beaucoup de raisons, assurément, M. de Gercourt est sans reproche de ce côté ; & à lui, ses preuves sont faites. J’aime à croire, & je crois qu’en effet Danceny ne lui cède en rien ; mais en sommes-nous aussi sûres ? Il est vrai qu’il a paru jusqu’ici