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me défendre d’un mouvement d’orgueil, en lisant votre lettre. Quoi ! vous m’honorez de votre entière confiance ! vous allez même jusqu’à me demander des conseils ! Ah ! je suis bien heureuse, si je mérite cette opinion favorable de votre part, si je ne la dois pas seulement à la prévention de l’amitié. Au reste, quel qu’en soit le motif, elle n’en est pas moins précieuse à mon cœur ; & l’avoir obtenue, n’est à mes yeux qu’une raison de plus pour travailler davantage à la mériter. Je vais donc (mais sans prétendre vous donner un avis), vous dire librement ma façon de penser. Je m’en méfie, parce qu’elle diffère de la vôtre : mais quand je vous aurai exposé mes raisons, vous les jugerez ; & si vous les condamnez, je souscris d’avance à votre jugement. J’aurai au moins cette sagesse, de ne pas me croire plus sage que vous.

Si pourtant, & pour cette seule fois, mon avis se trouvait préférable, il faudrait en chercher la cause dans les illusions de l’amour maternel. Puisque ce sentiment est louable, il doit se trouver en vous. Qu’il se reconnaît bien en effet dans le parti que vous êtes tentée de prendre ! C’est ainsi que, s’il vous arrive d’errer quelquefois, ce n’est jamais que dans le choix des vertus.

La prudence est, à ce qu’il me semble, celle qu’il faut préférer, quand on dispose du sort des autres, & surtout quand il s’agit de le fixer par un lien indissoluble & sacré, tel que celui du mariage. C’est alors qu’une mère, également sage & tendre, doit, comme vous le dites si bien, aider sa fille de son expérience. Or,