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besoin de s’épancher. Je vous ouvre le mien ; l’âge ne l’a pas encore refroidi au point d’être insensible à l’amitié. Vous le trouverez toujours prêt à vous recevoir. Venez avec confiance vous y reposer de vos cruelles agitations. Ce sera un faible soulagement à vos douleurs, mais au moins vous ne pleurerez pas seule : & quand ce malheureux amour, prenant trop d’empire sur vous, vous forcera d’en parler, il vaut mieux que ce soit avec moi qu’avec lui. Voilà que je parle comme vous ; & je crois qu’à nous deux nous ne parviendrons pas à le nommer ; au reste, nous nous entendons.

Je ne sais si je fais bien de vous dire qu’il m’a paru vivement affecté de votre départ ; il serait peut-être plus sage de ne vous en pas parler : mais je n’aime pas cette sagesse qui afflige ses amis. Je suis pourtant forcée de n’en pas parler plus longtemps. Ma vue débile, et ma main tremblante, ne me permettent pas de longues lettres, quand il faut les écrire moi-même.

Adieu donc, ma chère belle ; adieu, mon aimable enfant ; oui, je vous adopte volontiers pour ma fille, & vous avez bien tout ce qu’il faut pour faire l’orgueil & le plaisir d’une mère.

Du château de… 3 octobre 17…

Lettre CIV.

La marquise de Merteuil à madame de Volanges.

En vérité, ma chère & bonne amie, j’ai eu peine à